Un redressement judiciaire, c’est un moment charnière pour une entreprise.
Les difficultés se cumulent car en plus du passif, il faut intégrer une nouvelle done compliquée :
- Le suivi contraignant de l'Administrateur Judiciaire
- L'impossibilité de signer de nouveaux contrats ou de faire des paiement sans l'accord de l'Administrateur Judiciaire
- Le stress des équipes
- La défiance des partenaires habituels, clients et fournisseurs
- Les jugements de continuation (ou non) tous les 3 mois
Et pourtant, c’est le moment de tous les possibles !
En effet, les dettes n’entravent plus la trésorerie (pour un temps) et les équipes mettent de côté leurs discordes pour sauver ce qui peut l’être. Avec un bon capitaine, si possible externe pour faciliter les relations et apporter un œil nouveau, ce moment de redressement judiciaire peut réellement sauver l’entreprise !
Dans cet article, je vais vous raconter mon expérience.
Début de l'aventure
Juillet 2007, je veux quitter la région parisienne. Je regarde les annonces d’emploi. Tout se faisait encore par mail à l’époque, alors j’envoie des mails pour répondre aux annonces.
Un chef d’entreprise me contacte. Il est transparent avec moi : son activité est scindée en 3 sociétés, dont 2 sont en redressement judiciaire. C’est bientôt la fin. Il cherche un nouveau DAF pour faire quelque chose.
Ce type de challenge me plait. Je sens qu’il y a quelque chose à faire.
Etat des lieux
J’intègre mon post de DAF en août 2007.
Comme souvent dans les entreprises en difficultés, l’organisation quotidienne est complexe, le poids du vécut pèse. Physiquement aussi ce poids se fait sentir : la désorganisation des process est visible dans la désorganisation physique. Concrètement, les dossiers s’empilent partout et les équipes sont surchargées.
Ma première semaine se passe à poser des questions.
Le climat est particulier : une partie de l’équipe administrative a l’air de se sentir en danger par mon arrivée. C’est plutôt du RJ dont ils devraient se méfier à mon avis…
Je découvre que la comptabilité se fait sur un logiciel basique, sans analytique et sans contrôles. Le chef d’entreprise navigue à vue. Il s’est fait son idée sur l’activité mais n’est pas au fait de la réalité financière. Il n’a aucun moyen de prendre de bonnes décisions lors des négociations clients.
- Organisation chaotique,
- Processus absents ou informels,
- Manque de clarté financière,
- Chef d’entreprise naviguant à vue.
La priorité = établir un diagnostic financier
Le point central : le compte de résultat analytique
En discutant avec le comptable, j’obtiens une info cruciale : le logiciel comptable, très basique, contient une gestion de codes analytiques. En une semaine, nous travaillons à deux pour reprendre toute la comptabilité de l’année et imputer les factures sur les différents codes analytiques. Puisque l’entreprise est une entreprise de service B2B, les compte analytique sont déterminés par rapport aux contrats clients.
Après l’imputation de toutes les dépenses, je fais un audit pour vérifier l’exhaustivité des dépenses. Deux semaines après mon arrivée, les informations comptables sont beaucoup plus claires et je crée un compte de résultat analytique des 6 derniers mois.
Stupeur du chef d’entreprise.
Le contrat “vedette”, signé 12 mois auparavant et censé sauver l’entreprise, s’avère massivement déficitaire. Un avenant imposé par le client avait déséquilibré la facturation. Conclusion implacable : il faut arrêter cette activité au plus vite.
Le compte de résultat analytique indique une fuite massive de liquidité sur un contrat.
Les semaines difficiles
La liquidation de ce contrat implique une dizaine de licenciements économiques. Au-delà des aspects administratifs, c’est un choc émotionnel pour les équipes. L’équipe administrative est stressée et surchargée… Des semaines compliquées commencent.
Mais il n’y a pas d’autre possibilités.
Fin septembre, l’administrateur judiciaire accepte de demander au tribunal 3 mois de délai supplémentaires. La rapidité des actions menées par l’équipe lui donne confiance, même si la situation financière reste compliquée à ce stade.
Le contrat “vedette”, signé 12 mois auparavant et censé sauver l’entreprise, s’avère massivement déficitaire. Un avenant imposé par le client avait déséquilibré la facturation. Conclusion implacable : il faut arrêter cette activité au plus vite.
L'analyse financière a fiabilisé la prise de décisions.
Grâce à cette clarté, l'équipe agit rapidement .
Diminuer les charges pour retrouver la rentabilité
Le contrat déficitaire est dénoncé, les procédures de licenciement sont en cours… Le plus dur est fait.
Maintenant, il faut retrouver de la rentabilité.
Pour cela nous avons étudié chaque contrat client afin de trouver à quel niveau nous pouvons gagner en productivité, sans dégrader le service et sans stresser les salariés. Chaque petit changement nous a fait gagner des points de marge.
Une contrôleuse de gestion est embauchée. Ensemble, nous mettons en place des moyens simples et fiables pour faire remonter les informations terrain. Les analyses de ces informations nous donnent des informations précieuses.
Pour les équipes aussi, les choses sont devenues plus claires et plus fluides.
Sur le terrain, les chefs d’équipe ont dû modifier leurs reportings pour que l’information transmise soit de meilleure qualité. Cela a alourdi leur charge administrative. Mais il n’y a pas eu de résistance. L’équipe administrative a fait preuve de pragmatisme en s’adaptant au maximum aux contraintes terrain. De cette façon, les chefs d’équipe ont compris que la situation économique exigeait des reportings réguliers.
En parallèle, je me suis attaquée à tous les contrats qui structurent l’entreprise : les contrats d’assurance, les contrats de sous-traitance, etc… Mon objectif : faire la chasse aux dépenses superflues. Rapidement, j’ai diminué les charges administratives, tout en adaptant au mieux les contrats aux besoins de l’entreprise.
- Optimisation opérationnelle : optimisation de chaque contrat client → gains de productivité sans dégrader le service.
- Réduction des charges fixes : renégociation des assurances, sous-traitances, frais généraux → baisse rapide des coûts récurrents.
Le redressement financier est fini !
Le 30 juin 2008 (moins d’un an après mon arrivée), le tribunal validé la sortie du redressement judiciaire. Toutes les sociétés sont rentables. Les entreprises sont assainies, avec des bases solides pour faire face au remboursement du plan de continuation et pour la suite.
Un reporting financier simple mais fiable peut faire la différence entre faillite et redressement.
Sans visibilité, le dirigeant prend ses décisions à l’instinct. Avec des données claires, il peut trancher rapidement, même dans des moments critiques.
Mon rôle de DAF a été d’apporter cette clarté, de piloter les priorités, et de transformer une situation désespérée en une entreprise viable.
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